icone arbre

Instruments en bois d’olivier

Le défi relevé, réaliser un violon et une guitare en bois d’olivier
La lutherie en général, et l’idée de fabriquer un instrument, me passionnent depuis toujours.
Né d’un père artisan sculpteur sur bois d’olivier et d’une mère musicienne, cet objectif s’est imposé à moi tout naturellement.

J’ai commencé la fabrication de ce violon à la fin de mes études professionnelles avec le concours du luthier Cannetant, Nicolas Chassaing. Une fois achevé, 8 années plus tard, je l’ai présenté au grand concours des métiers d’art « SEMA » que j’ai remporté.

Etant moi-même guitariste et confiant dans la qualité acoustique du bois d’olivier, j’ai pris la décision quelques années plus tard, de faire fabriquer par des luthiers Niçois, les frères Chatelier, une guitare en bois d’olivier. Le résultat est bien au-dessus de mes attentes, en termes d’équilibre et de puissance du son.

Sans parler du plaisir de jouer sur un instrument unique, dont je connais l’histoire de chaque morceau de bois.

Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq
La guitare en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq - Vue face
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq - Vue face
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq - Vue face
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq - Vue face
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq - vue dos
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq - manche
  • Le violon en bois d'olivier réalisé par Guillaume Dubosq - Grand Prix des metiers d'arts
icone arbre
LE TRAVAIL ARTISANAL DU BOIS D’OLIVIER

Le violon en bois d’Olivier

Depuis de nombreuses années je m’essaie à restaurer divers instruments, des plus contemporains et exotiques, aux plus anciens et mystérieux (guitare, rebab, buzuki, luth, balalaïka, saz, percussions, contrebasse électrique).
Armé de ces expériences en restauration et confiant en mes compétences dans le travail du bois, c’est bien entendu la fabrication d’un instrument dans son entier qui m’a attiré. Mon choix s’est porté sur le violon car c’est, à mon avis, l’un des instruments les plus délicats à fabriquer. Il faut en effet maîtriser un éventail très large de techniques: sculpture, incrustation, ajustage à la bougie, surfaçage, tamponnage, mais aussi écoute et réglage des résonances.
C’est en rencontrant le luthier Cannetan Nicolas Chassaing et grâce à son enseignement que mon projet a pu prendre forme. Je voulais créer une pièce unique alliant les techniques de la lutherie et celles propres au travail du bois d’olivier.
Au-delà des qualités prodigieuses de la matière, notamment sa résistance et son esthétique, je savais que je pouvais compter sur l’enseignement de mon père et ses 50 années d’expérience intégralement consacrées au façonnage de ce bois noble et complexe.
La réalisation
Étape par étape
La conception : étude des sonorités & choix des plans

Pour commencer, il a fallu étudier l’acoustique du bois d’olivier. En effet, personne ne pouvait présager de sa qualité sonore.

J’ai donc été amené à tenter quelques expériences:
J’ai commencé par construire des boîtes rectangulaires (une en érable et épicéa, une en olivier et épicéa, une toute en olivier), boîtes dont le volume intérieur correspondait à peu près au volume d’un violon classique. Grâce à l’aide d’un ami ingénieur du son, j’ai enregistré la courbe de fréquence qu’émettait un diapason posé sur certains points précis de la caisse.

Si la boîte en olivier ne donnait pas de résonance suffisante, on obtenait avec la caisse olivier – épicéa une résonance acceptable. En modifiant certaines épaisseurs de la caisse, on arrivait même à faire correspondre la sonorité. Certes, la vibration d’un diapason métallique est éloignée de celle d’une corde frottée, mais cela me permettait de croire qu’un violon intégralement en olivier avec une table d’harmonie en épicéa et un chevalet en érable pourrait sonner aussi bien qu’un violon traditionnel en érable et épicéa. Confiant en mes résultats, j’ai pu exposer mon projet en détail à l’un des luthiers les plus reconnus de ma région et diplômé de l’école de Crémone : Mr CHASSAING. Intéressé par la découverte acoustique que j’avais faite, celui-ci m’a guidé dans toutes les étapes et notamment dans le choix et l’étude des plans du violon.

Ainsi grâce à la maîtrise de son métier de luthier et à mes tests sur la sonorité de l’olivier, j’ai pu choisir de prendre comme modèle de violon celui du luthier GUARNERI DEL GESU.

Afin de me rapprocher de la sonorité d’un Guarneri, j’ai dès le départ affiné certaines épaisseurs sur le fond et les éclisses de l’ordre de quelques dixièmes de millimètre.

MATIÈRES ET OUTILLAGE

J’ai eu la chance d’avoir à ma disposition un large choix de planches de bois d’olivier d’une excellente qualité. La plupart des morceaux sélectionnés est issue d’un stock constitué avant ma naissance et précieusement conservé par mon père. Pour l’épicéa nécessaire à la table d’harmonie et l’érable du chevalet, c’est par l’intermédiaire de mon ami luthier que j’ai pu bénéficier d’un bois de choix.

Le choix des bois est un élément essentiel au bon déroulement d’une telle entreprise.

Les qualités de sa veine et de son séchage ne sont pas les seuls critères. En effet, le fil du bois (sens de la fibre) va déterminer sa résistance et sa souplesse.

La lutherie nécessite un grand nombre d’outils spécifiques : comparateur d’épaisseur au 1/10ème, alésoir mâle et femelle pour les chevilles, pointe à âme, serre fracture, presse à tabler… Ceux-ci sont d’ailleurs souvent adaptés selon les besoins, ce qui a été souvent le cas pour faire face à la dureté du bois d’olivier (par exemple : légère transformation des angles d’affûtage).

1. Débit de la table d’harmonie et du fond

La première étape consiste à encoller les deux parties de la table d’harmonie. Il s’agit d’une planche de bois d’épicéa, découpée dans son épaisseur en deux, puis dépliée et collée afin d’obtenir une symétrie de la veine et une meilleure résistance au temps et à l’effort.

Le fond, lui, est en une seule pièce de bois d’olivier

Pour découper la table et le fond, on utilise la scie à chantourner qui permet une grande précision et ainsi suivre parfaitement le gabarit.

2. Défonçage de la voûte extérieure puis intérieure

Il faut ensuite enlever de l’épaisseur à l’aide de mini rabots appelés « noisette » pour obtenir une courbe régulière et symétrique qui se nomme « la voûte ».

Celle-ci n’excède pas 3 à 3.5mm d’épaisseur pour la table et 2.6 à 4.5mm pour le fond selon les endroits. La forme régulière et symétrique est obtenue à l’aide d’un outil de mesure de profil : « le peigne ».

Une fois la voûte dégrossie, on creuse la face intérieure régulièrement pour atteindre l’épaisseur souhaitée sur toute la surface. Il est indispensable de se servir d’un outil appelé « comparateur d’épaisseur ». En effet, en approchant de l’épaisseur souhaitée, on doit, à chaque copeau enlevé, vérifier l’épaisseur. Ici, contrairement au travail du métal ou de la terre, on ne peut pas rajouter du bois pour compenser un manque d’épaisseur, il faut obligatoirement recommencer une nouvelle pièce. Enfin, la qualité de surface est obtenue grâce à divers racloirs, de différentes formes.

4. Incrustation des filets

Les filets sont incrustés tout autour de la table et du fond à l’aide d’un outil particulier appelé « trusquin ». L’incrustation nécessite une grande précision pour permettre la jonction de la pointe des filets. Les filets se composent de trois lamelles de bois précieux : une en ébène, une en érable et une dernière en ébène.

5. Découpe des « f »

Les « f » ou les « ouïes » sont deux entailles situées sur le dessus de la table d’harmonie. C’est par ces ouvertures que le son de la caisse de résonance se propage. Elles indiquent également, par une petite entaille, l’emplacement pour le positionnement du chevalet. Elles sont découpées à la scie à chantourner puis ajustées aux canifs.

6. Préparation de la barre d’harmonie

La barre d’harmonie est l’une des pièces les plus importantes du violon. Elle est entièrement taillée au canif. Elle se situe sous le pied gauche du chevalet dans le sens de la longueur de l’instrument et sert à transmettre également les vibrations, dues au frottement de l’archet sur les cordes, sur l’ensemble de la surface de la table d’harmonie. Cette barre en épicéa doit être parfaitement ajustée pour que le son soit équilibré.
Pour ce faire, j’ai utilisé une très ancienne méthode, celle de l’ajustage à la « bougie ». Il faut travailler dans l’obscurité, simplement éclairé par une bougie. Il s’agit ensuite de placer la bougie derrière les deux parties à assembler, et de faire en sorte qu’aucune source lumineuse ne traverse l’assemblage. Une fois la pièce ajustée, il faut la coller avec une colle d’os chauffée au bain-marie

7. Fabrication des éclisses

De nombreux gabarits sont utilisés pour la réalisation d’un violon mais celui des éclisses et contre- éclisses est fondamental. Dans un premier temps, il faut préparer et fixer des petits morceaux de bois taillés à la gouge à la forme souhaitée qui serviront de guide et de renforts pour les éclisses. On les appelle « tasseaux ».

Les éclisses sont fabriquées à partir de planches de première qualité. Il faut les affiner au rabot, jusqu’à obtenir une épaisseur parfaitement régulière de 1.1mm sur les bords et de 1.3mm en son centre. Ces planchettes de bois obtenues sont régulières et plates. Elles sont ensuite cintrées à chaud sur un outil qui s’appelle « fer à plier », chaque morceau de bois étant préalablement trempé dans de l’eau pour accroître son élasticité et éviter que le bois ne brûle. J’ai dû recommencer une dizaine de fois car l’un des « C » malheureusement se fracturait à chaque tentative de pliage. L’olivier se révélant ici beaucoup plus difficile à travailler que l’érable.

8. Collage des éclisses, de la table et du fond

Une fois les éclisses parfaitement ajustées, il faut les coller à la colle d’os (colle permettant un démontage facile, simplement avec de l’eau chaude) sur les tasseaux préparés à cet effet. Une fois la colle sèche, on ajuste les contre- éclisses. Ce sont des lamelles fines d’épicéa d’un demi centimètre de large collées contre les éclisses pour rigidifier l’ensemble et également renforcer le collage entre la caisse de résonance et les éclisses.

La surface des éclisses n’étant pas parfaitement plane, il est nécessaire de les aplanir au rabot avant d’y ajuster puis d’y coller la table d’harmonie et le fond. Pour ce faire, j’ai utilisé des presses dites « à tabler ».

9. Sculpture de la tête

Après avoir assemblé la caisse de résonance, il faut construire la tête sur laquelle viennent se fixer les chevilles, les cordes et la touche. Il s’agit d’un travail de pure sculpture. De nombreuses gouges sont nécessaires à la réalisation d’une spirale car la courbe doit toujours être en mouvement, sans plat ni facettes.

Les principales difficultés de cette pièce sont d’obtenir des courbes régulières, de tailler la pièce en bois de bout (coupe perpendiculaire à la fibre du bois), et bien entendu de trouver un bloc de bois parfaitement sain et de fil pour assurer une bonne résistance. La tête est ensuite affinée au racloir que l’on fabrique soi-même à la forme voulue.

10. Tournage des chevilles et du bouton

Pour le tournage de ces pièces, j’ai utilisé le vieux tour de mon père en y apportant quelques petites modifications afin d’augmenter la précision. Les chevilles sont, dans un premier temps, parfaitement rondes, ce n’est qu’après qu’on leur donne leur forme définitive.
Le choix des morceaux de bois est également primordial pour ces parties, car elles vont soutenir l’effort des cordes et vont être régulièrement manipulées par le musicien. D’habitude produites dans un bois dur comme l’ébène, le choix de l’olivier s’est avéré judicieux.

11. Fabrication de la touche et du cordier, collage de la touche

La touche doit être ajustée avec une grande précision car c’est sa forme qui détermine la justesse de la note, pour le jeu du musicien. Le cordier doit être à la fois résistant pour soutenir l’ensemble des cordes mais aussi mince et léger pour ne pas risquer de déséquilibrer l’ensemble. Bien entendu il entre en vibration lorsque les cordes sont frottées.
Un système de filetage y est intégré pour permettre un réglage fin de sa position. Le cordier est ensuite rattaché au bouton (pièce de bois tournée et ajustée dans le bas de la caisse de résonance).
La touche est collée sur la tête à la colle d’os, c’est après son séchage que l’on ajuste le galbe de la touche au rabot.

12. Ajustage de la tête dans la caisse de résonance

L’assemblage de la tête et du corps de l’instrument se nomme « enclavement ». Cette opération est très délicate. Il s’agit d’effectuer une entaille au sommet du corps en forme de queue d’aronde et d’ajuster le manche (composé de la tête et de la touche) pour que celui-ci soit parfaitement axé par rapport à l’instrument et par rapport à l’axe de jeu. La colle d’os utilisée pour cet assemblage est gélatineuse à froid puis se liquéfie , une fois chauffée au bain-marie. Elle dégage à ce moment-là une odeur fort désagréable.

13.Fabrication du chevalet et ajustage

L’âme du violon est un petit tourillon d’épicéa ajusté au canif et placé sous le pied droit du chevalet. Il est très important pour la sonorité de l’instrument ainsi que pour sa résistance. C’est cette petite pièce de bois qui va soutenir la pression exercée par les cordes. Elle va également transférer les vibrations jusqu’au fond du violon, en olivier. Cette âme ne peut être placée que grâce à un outil appelé « pointe à âmes ».

14. Fabrication de la mentonnière

Sa fabrication est beaucoup plus libre autant sur le point de sa forme que sur celui de l’essence choisie. J’ai voulu conserver l’esprit de l’arbre en façonnant une mentonnière s’inspirant de la forme d’une feuille. Le système à filetage métallique pour fixer la mentonnière est, avec les cordes bien sûr, la seule partie que je n’ai pas complètement fabriquée.

15. Ajustage des sillets haut et bas et des chevilles

Le sillet du haut est très important car c’est lui qui guide les cordes et qui les maintient pendant le jeu. Il doit obligatoirement être fabriqué dans un bois dur pour éviter une usure anticipée. Il est ajusté en haut de la touche. Le sillet du bas supporte la tension des cordes et du cordier. Il est incrusté et collé dans la caisse de résonance au niveau de la jonction entre la table d’harmonie et les éclisses.

Les chevilles doivent permettre le maintien de la tension des cordes, tout en laissant au musicien de la souplesse pour l’accordage. Elles sont fabriquées au tour à bois et ajustées à l’aide d’un « alésoir mâle et femelle ».
A la finition et à l’usage, on applique de la craie et du savon sur les parties en contact. La craie permet l’accroche des matières entre elles et le savon améliore le confort d’accordage.

16. Fabrication de l’âme

L’âme du violon est un petit tourillon d’épicéa ajusté au canif et placé sous le pied droit du chevalet. Il est très important pour la sonorité de l’instrument ainsi que pour sa résistance. C’est cette petite pièce de bois qui va soutenir la pression exercée par les cordes mais également c’est elle qui va transférer les vibrations jusqu’au fond en olivier. Cette âme ne peut être placée que grâce à un outil appelé « pointe à âmes ».

17. Test acoustique sans vernis

Une fois toutes les pièces assemblées mais sans finition, j’ai décidé de tester l’acoustique de l’instrument. Le son était assez étouffé et peu puissant.
J’ai donc choisi, comme pour la caisse rectangulaire de mes premiers essais, d’amincir l’épaisseur des parties en bois d’olivier. J’ai du re-démonter l’ensemble de l’instrument pour l’affiner. J’ai également déplacé légèrement l’âme. Puis collé à nouveau chaque pièce afin de réitérer mon expérience. Cette fois-ci, j’obtins un son beaucoup plus ample, puissant et profond.

Vernis alcool non teinté : Le vernis d’un instrument doit être très résistant. Il doit supporter frottements, coups, et rayures. Mais il doit également mettre en valeur les qualités de l’instrument (finesse des bois et du travail du luthier). Il est reconnu que le vernis améliore considérablement la sonorité de l’instrument. De nombreux spécialistes cherchent toujours la composition exacte des vernis utilisés au XVII ième siècle par des luthiers comme Stradivarius ou Guarneri… J’ai pour ma part utilisé un vernis à l’alcool non teinté passé avec un pinceau aux poils de martre. Après une dizaine de couches et un léger égrenage à l’eau, j’ai appliqué un vernis au tampon sur toute la surface. Cette opération doit être reproduite maintes fois et dure de nombreuses heures.
18. Montage complet de l’instrument

L’installation de toutes les pièces sur le violon (chevilles, cordier, cordes, mentonnière…) constitue la dernière étape de la fabrication. L’instrument doit être alors accordé plusieurs fois pour vérifier sa résistance à la tension des cordes puis joué.

CONCLUSION

Ce travail, commencé avec les premiers tests en janvier 2000 et terminé début 2008, m’aura occupé durant près de cinq cents heures.

Le choix de l’olivier à la place de l’érable y est pour beaucoup. L’érable est en effet plus droit, plus tendre et plus malléable que le bois d’olivier. Il se prête donc parfaitement au travail de lutherie : là où l’érable se plie, l’olivier se casse et là où l’érable se surface parfaitement, la fibre de l’olivier s’arrache. J’ai du m’armer de patience et recommencer encore et encore jusqu’à que les pièces souhaitées soient parfaites.

Mais quelle récompense ! Une fois terminé, j’ai eu la chance d’entendre de nombreux violonistes s’exercer sur mon violon, et à chaque fois les mêmes critiques : un son rond et doux, puissant dans les basses et les médiums, et nuancé dans les aigus. Une fois terminé, j’ai eu la chance d’entendre de nombreux violonistes s’exercer sur mon violon, et à chaque fois les mêmes critiques : un son rond et doux, puissant dans les basses et les médiums, et nuancé dans les aigus. Un timbre différent de celui d’un violon classique, se rapprochant de celui de l’alto.
Si bien que certains luthiers de la Côte d’Azur m’ont contacté pour pouvoir, à leur tour, tester mon instrument.

© Le Travail du bois d'olivier - Dubosq & Fils - Tout droits résérvés.